Un Tour de France à Pied

Le texte d'une conférence que j'ai donnée au Cercle Francais de Chiswick, Londres le 14 janvier 2011.

Walking around France

Introduction: un anglais excentrique

Le 11 novembre je marchais sur un sentier de pavés glissants et la pluie tombait. Le ciel gris me couvrait. J’étais dans la plaine du Nord pas loin de Valenciennes. Je pensais à la chanson de Jacques Brel. Avec le vent du nord qui vient s’écarteler, Avec le vent du nord écoutez-le craquer, Le plat pays qui est le mien. Vers l’horizon je regardais quelques crassiers et la grande usine de Citroën à Hordain. Et puis tout d’un coup j’ai aperçu trois jeunes hommes roulant vers moi dans un quatre-quatre. Ils portaient des treillis et revenaient d’une journée de chasse. Le conducteur s’est arrêté et a baissé la glace. Il avait l’air un peu surpris. «Qu’est-ce que vous faites?» « Je marche.» «Hein! D’où venez-vous?» «Beaudignies.» Un sourire d’incrédulité s’est glissé sur son visage. «De quelle nationalité êtes-vous?» m’a demande-t-il comme si aucun français ne marchait dans la pluie à travers la plaine un après-midi froid de novembre. «Anglais.» «Est-ce que vous faites des choses comme ça en Angleterre?» «Oui.» Son expression m’a dit que ma nationalité avait tout expliqué. Tous les Anglais sont des excentriques! J’ai dit à beaucoup de gens que j’étais en train de faire un tour de France à pied. Toujours la même réaction!

Alors qu’est-ce que j’ai fait exactement ? Une petite leçon de géographie : j’ai commencé en faisant une randonnée de trois cents kilomètres dans les Pyrénées et puis j’ai eu l’idée de continuer tout autour de la France, suivant un chemin qui longeait les frontières et les mers. Vous le voyez sur cette carte. Je me suis servi pour la plupart des GRs (Grandes Randonnées) et PRs (Randonnées du Pays) qu’on peut trouver sur les cartes IGN (25.000).J’ai accompli mon tour en quelques étapes. Apres chacune je suis rentré chez moi pour un peu de repos et puis j’ai recommencé à l’endroit où j’avais quitté le chemin. Je n’ai pas suivi le tracé exact des frontières et des côtes. Ma route montre mes préférences personnelles.Ainsi je n’ai pas suivi toutes les crêtes des Pyrénées, afin de visiter le pays des Cathares d’un côté et le Béarn de l’autre.J’ai préféré marcher dans les montagnes dans l’arrière-pays du littoral méditerranéen.J’ai quitté la GR5 à Briançon pour traverser les Ecrins etc.Les crêtes des Vosges m’ont attiré plutôt que le Rhin.Il y a des lacunes entre quelques GRs, où j’ai dû emprunter des chemins non balisés ou des routes départementales – dans la vallée du Var,entre Nancy et Verdun-Sedan/Charleville-Mézières,dans la Vendée.En général le balisage était excellent. Néanmoins je me suis perdu quelquefois.Près d’Antrain en Bretagne j’ai emprunté un petit sentier marqué sur une carte IGN. Un chien berger m’a attaqué, j’ai déchiré mes pantalons sur un clôture de barbelés et j’ai presque perdu le chemin dans des orties brulantes.Ailleurs, avant le Pas de la Cavale dans les Hautes Alpes, je me suis trompé de chemin et une heure plus tard je suis arrivé en Italie ! Mais au quotidien, presque pas de problèmes !

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Pyrénées

Je commence avec les Pyrénées et le Col de Madamète à 2509 mètres entre Cauterets et Bagnères-de-Luchon, au milieu des Pyrénées et les lacs de cette région-très beaux-Voici le Lac de Bastan, où nous sommes restés une nuit dans un petit refuge où il fallait escalader pour gagner le dortoir. Il n’y avait pas beaucoup d’espace pour dormir. Je touchais les pieds de deux françaises toute la nuit. Je sentais l’odeur de quinze corps. Notre ami Jacques a dû reposer sur le plancher de la salle à manger. La douche d’eau froide était juste à droite de la photo au bord du lac. C’était un refuge écolo. Il y avait un cochon pour manger les déchets et un âne pour porter l’alimentation. Dans les Pyrénées, comme partout, j’ai vu les bâtiments typiques de la région;par exemple les petites maisons construites de pierres avec les escaliers à pignon de chaque côté pour réparer le toit.Plus loin dans l’Ariège on voit souvent des maisons avec un balcon, fait pour sécher la récolte des légumes. Après Bagnères j’ai quitté le GR10 à travers les Pyrénées pour le sentier des Cathares dans un pays plein de gouffres entourés de rochers calcaires et aussi de châteaux forts renforcés par Saint Louis après sa victoire sur l’hérésie comme Peyrepertuse, un vrai nid d’aigle.

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Languedoc et Alpes de Provence

Apres la région des Corbières j’ai quitté les montagnes pour les fleurs et les parfums des garrigues du Languedoc.Après Carcassonne et le Parc National du Languedoc à quelques kilomètres de la Méditerranée,les Cévennes-région d’une variété impressionnante de paysages – de grandes gorges calcaires comme la Cirque de Navacelles(un méandre taillé de haut en bas pendant des milliers d’années) ;les causses, plateaux très secs où la pluie coule très vite vers des cavernes profondes ;les collines schisteuses couvertes de gênets;les prairies d’herbes et de bruyères poussant d’une couche de sol très mince au dessus du calcaire, comme ici à Mont Lozère. Après les plateaux de l’Ardèche les Gorges; le calcaire encore.

Après avoir traversé le Rhône à Pont St. Esprit et les villages fortifiés des Côtes-du-Rhone, j'ai monté le Mont Ventoux, 1912 m, couvert de sapins côté nord mais un désert d’éboulis côté sud, où les cyclistes essayent de suivre l’épreuve redoutable du Tour de France. De Sisteron j’ai entamé une randonnée moins connue, appelée la Grande Traversée des Préalpes – campagne sauvage et dépeuplée qu’on peut voir d’un petit chemin de fer qui va de Nice jusqu'à Digne-les-Bains si on ne veut pas marcher. La vallée de la Var , avec ses villages blottis contre les murs rocheux, m’a montré le chemin des Alpes.

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Alpes et Jura

J’ai commencé la Grande Randonnée Alpine (GR5) près de Saint Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes) avec une nuit dans le Refuge de la Vallée des Merveilles – trente ronfleurs dans le dortoir, une atmosphère lourde de sueur, douches froides - suivie par quatre heures de marche dans une tempête. J’ai suivi le tracé de ce GR5 jusqu'à Briançon, où on voit les forteresses de Vauban mais aussi la lumière et les couleurs de l’Italie. Les Alpes sont presque chauves  et mornes ; beaucoup d’éboulis et moins d’arbres que dans les Pyrénées ; mais de jolis lacs bien sûr, comme le Lac des Miroirs au Queyras;  et des vallées pleines de fleurs au mois de juin. J'ai vu beaucoup de rhodos  près de Fouillouse Hautes Alpes, village avec seulement deux personnes âgées pendant l’hiver. Au dix-neuvième siècle, quand il y a avait plus d’habitants, on a construit des canaux dans ces montagnes pour irriguer les terrasses surplombant les vallées. Les ingénieurs devaient être têtus pour avoir réalisé cela ! A cette époque là il y a avait beaucoup plus de moutons en transhumance que nous en avons vus  près de St. Etienne de Tinée. Mais ils ont mangé les  géraniums de Madame ! La vie était dure dans les maisons en pierre. Depuis le dix-septième siècle on a essayé de protéger la frontière avec toutes sortes de fortifications, et enfin avec une prolongation de la Ligne Maginot. Au nord de Larches les casernes écroulées abritent quelques randonneurs et alpinistes. Je suis resté dans un refuge confort sommaire dans les Hautes Alpes. Chaque fois que j’ai tourné pendant la nuit j’ai frappé mon voisin au visage. À dix heures du soir un homme est arrivé avec un sac lourd et a essayé de monter à mon lit. Le matin il s’est installé au bout de ma place et a coupé ses ongles sans se soucier de moi ! Un randonneur anglais, Brian, soixante-dix-huit ans et en retraite, m’a décrit des refuges encore pire dans l’Ariège aux Pyrénées. « Quand vous voyez les yeux d’un rat en face vous n’êtes pas à l’aise ! »

J’ai quitté le GR5 à Briançon pour voir les Écrins  – un massif de granit avec une randonnée assez difficile, le tour d’Oisans, et les glaciers suspendus de Meiji à La Grave avec leurs séracs étonnants. Ils sont en retrait maintenant à cause du réchauffement de la planète. Après un face à face avec un chien Pyrénéen Patou qui pesait soixante kilos, j’ai perdu le chemin et j’ai dû sauter tout près d’une falaise pour m’échapper. Au fond de la vallée j’ai dû frapper un chien de garde avec mes bâtons afin de protéger mes chevilles.

Au nord de Grenoble j’ai trouvé la Chartreuse, un des paysages le plus remarquable en France – falaises calcaires; gouffres friables; plateaux tout à fait secs  où je n’ai pas pris assez d’eau pour une longue journée; vallées cachées comme celle qui abrite le monastère la Grande Chartreuse. Les moines forment un ordre silencieux mais j’en ai vu quelques-uns randonnant sur les routes dans leurs robes d’une blancheur éblouissante au soleil.

Un peu au nord de la Chartreuse j’ai trouvé la Grande Traversée du Jura qui suit la frontière franco-suisse jusqu'à Montbéliard. C’était le seul sentier qui traversait une frontière plusieurs fois. le Jura est un pays boisé  jusqu'à quarante pour cent et pays laitier.  J'ai vu les vaches de la race Montbéliard originaire de cette région. C'est aussi un pays de falaises inattendues comme  au Mont d’Or (1463m), un kilomètre de la frontière suisse au sud de Pontarlier. Pays avec des clochers hors pair en France et des fermes avec de grands toits en pente. La gorge du Doubs est un des plus beaux endroits que j’aie visité en France. J’ai marché deux jours entre des falaises de hêtres de cinq cents mètres chaque côté de la rivière. Quelques pêcheurs, des cormorans cherchant les truites – voilà tout ! On se sentait loin du monde.

J’ai traversé la Trouée de Belfort (entre le Jura et les Vosges) et  j’ai dû supplier des o uvriers de démanteler une barri mp;egrave;re à côté d’une écluse sur le Canal du Rhône au Rhin, afin d’éviter une déviation fâcheuse. Plus loin une affiche m’a averti que toute infraction à l’arrêté du maire serait punie..... 

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Alsace-Vosges et le Nord

Enfin j’ai gagné les Vosges, où j’ai suivi le GR5 encore une fois – Ballon d’Alsace, Grand Ballon, Hohneck, Ribeauvillé, Le Donon. De la crête des Vosges on voit souvent comme un tapis lointain la vallée du Rhin, comme à Sainte-Odile près de Strasbourg, et au fond la Forêt Noire en Allemagne. L’Alsace, une région avec un style d’architecture presque allemand – clochers de tuiles colorées,pignons décorés comme  à Andlau et châteaux médiévaux comme à Haut-Königsberg, refait pour Kaiser Guillaume le second. Dans les Vosges le randonneur fatigué peut trouver l’hébergement dans les fermes-auberges où l’ambiance est plutôt bavaroise ou autrichienne. En montant le Hohneck j’étais très heureux de passer par une des ces auberges dans laquelle un groupe d’Alsaciens était en train de célébrer un anniversaire avec beaucoup de bruit. Avec un grand ragoût  et un fromage blanc avec kirsch j’ai bu beaucoup de vin rouge. Pourquoi pas ? - au dehors il y avait un orage. L’après-midi j’ai pris vraiment de l’eau. Sur la crête je ne voyais rien à cause du brouillard. Dans le vent de l’ouest il était difficile de me tenir debout. Les Vosges sont presque les montagnes les plus pluvieuses en France ! L'Alsace était autrefois un pays de l’Empire allemand. J'ai vu un borne de la frontière impériale, près du Ballon d’Alsace, avec le D pour Deutschland. C'est un pays de conflit entre les deux nations – j’ai passé le camp nazi à Natzwiller-Struthof  où on a meurtri juifs et résistants. Maintenant c'est un lieu de mémoire.é

Le GR5 traverse les plaines de Lorraine, Nancy ; mais je l’ai quitté pour poursuivre un chemin que j’ai découvert moi-même : Verdun, Sedan, Charleville-Mézières, Vervins, Le Cateau-Cambrésis, Arras, et enfin la Manche à Boulogne.

À quoi pensez-vous quand vous pensez au Nord de la France ? Usines, comme celles de Citroën que j’ai passées au nord de Cambrai; petits estaminets où on boit la bière, autrefois pleins de fumée; grands cimetières de la Grande Guerre, comme à Verdun; vestiges des tranchées.

Pour un randonneur le Nord a été un environnement super – paysage agricole dépeuplé, avec de belles forets, comme la Forêt de Mormal, pas loin du Cateau-Cambrésis;  paysage plein de grandes étendues d’eau – le Canal de la Marne au Rhin entre deux digues qui le protègent de l’Étang de Gondrexange, près de Nancy; les rivières comme la Moselle au nord de Nancy; le Canal de la Sensée  entre Cambrai et Arras.

Mais dans ce paysage désert j’ai rencontré beaucoup de gens intéressants, comme Monsieur Chrétien à Parfondeval au nord de Laon – la troisième de quatre générations à la même ferme, où son fils travaille seul sur deux fois plus d’hectares que son arrière-grand-père n’en labourait avec quatre personnes. M. Chrétien abritait dans deux granges un véritable musée de l’agriculture-je l’ai aidé à faire du cidre. Au Nord j’ai vu une variété impressionnante de styles d’architecture, parce que Le Nord est divisé en pays d’un caractère tout à fait différent-Fermes Lorraines avec les portails pour les charrettes; l’Art Déco de l’École de Nancy; la couleur jaune de la pierre des maisons ardennaises; les petites briques des églises fortifiées de la Thiérache (Nord de Laon);  les maisons de briques du style Nord-Flamand à Vervins; le style gothique flamand à Arras; les églises trapues de pierre calcaire en Artois; les beffrois du Nord-Ouest, comme à Hesdin.

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Normandie et Bretagne

J’ai terminé une étape de mon périple à Boulogne à la colonne de Napoléon où j’ai vu la côte vers Cap Gris Nez. Puis j’ai tourné à gauche afin de traverser la Baie de la Somme et longer la côte normande avec ces falaises calcaires longues de plus de cent kilomètres. J’ai vu tant de rochers calcaires pendant mon périple !! J’ai traversé la Seine – Pont de Normandie, un symbole puissant de la France moderne et de l’habileté de ses ingénieurs. Après les stations balnéaires comme Deauville j’ai trouvé les lieux de mémoire de D-Day comme le Pont de Pegasus sur L’Orne au nord de Caen, que les britanniques ont pris dans des planeurs. La jeune fille de quatre ans à D-Day est encore dans son café.

Le long des routes j’ai remarqué le style normand; non seulement les églises mais aussi les maisons à colombage, à Pont-Audemer près d’Honfleur par exemple; les chaumières et les villas de la bourgeoisie sur la côte. Ces villas, comme partout en France, sont entourées d’une clôture et protégées par des chiens de garde qui courent sur une piste à travers la pelouse et hurlent comme des bêtes féroces. On a vraiment peur du cambriolage dans la campagne française.

Après Caen c’est le bocage normand jusqu'à la Baie de St. Michel avec ses sables mouvants et la marée de quatorze mètres qui arrive comme un cheval au galop. Le Mont St. Michel est le site le plus populaire en France, douze millions de visiteurs chaque année en voiture. J’ai ri un peu de dépasser tant de voitures  dans un embouteillage sur la chaussée.

La côte de la Bretagne est parfois très belle, avec des falaises surplombant la mer (pas loin de Paimpol par exemple) ou les petits ports des estuaires pleins de voiliers comme à la Roche-Bernard au sud. Mais pensez aux marées de quatorze mètres ! La moitié du temps la vue est moins agréable. À marrée basse la baie des Îles de Bréhat est comme une carrière. Même de petites maisons isolées appartiennent au continent. On voit que la Bretagne est un plateau de granit qui tombe petit à petit dans la mer, comme les rochers de granit rose à Ploumanac’h, près de Perros-Guirec. En haut le plateau est plus cultivé qu’il y a deux siècles. Maintenant la Bretagne est un pôle de l’industrie agro-alimentaire de la France ; mais on trouve encore les landes du passé avec les symboles de la croyance du peuple breton dans les esprits d’un autre monde. J’ai vu des dolmens, à Saint Just au sud de Rennes par exemple ; quelquefois Christianisés comme à Uzec (pas loin de Perros-Guirec). Les plateaux et les falaises mis à part, j’ai été surpris de découvrir les marais du sud comme le grand Brière au nord de La Baule; de la tourbe noire avec beaucoup de moustiques !

La pierre favorite pour la construction a été le granit gris; pour les petites chapelles comme pour les cathédrales ; pour les manoirs comme la maison de Jacques Cartier à Saint Malo. Ça donne l’impression d’une vie dure mais aussi d’une vie fidèle à la tradition. On voit beaucoup de colombage ici comme en Normandie. Voyez les maisons à Morlaix. Il y en a beaucoup d’autres du même genre à Rennes, Lannion et ailleurs.

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Sud-Ouest

J’ai traversé la Loire par le pont à Saint Nazaire pour gagner le paysage maraîchin de la Vendée - des polders derrière des digues, un sol sableux, des îles plus basses que la mer, comme l’Île de Noirmoutier. J’ai traversé le passage du Gois qui relie l’île au continent à marée basse. De nos jours la côte est devenue une destination favorite pour les vacances familiales. Les petites villas s’étendent à l’horizon, même autour de la petite maison autrefois isolée qui appartenait à Georges Clemenceau, Président du Conseil pendant la Grande Guerre. Il aimait la vie simple pendant sa retraite. Une fois, une visiteuse lui a demandé la salle de bains et il a répondu « voilà la mer ».Le style de cette maison – un seul étage, toit de tuiles, murs blancs - est typique dans cette région.

Au sud de la Vendée j’ai trouvé les chemins de Compostelle et l’art roman dans toute sa gloire – de la simplicité de l’abbaye de Nieul-sur-Autise, jusqu'à l’art flamboyant des grandes églises comme l’Abbaye aux Dames à Saintes. La Saintonge est un pays des vignes de Cognac et de rivières paisibles comme la Boutonne à Saint Jean d’Angély.

J’ai traversé l’estuaire de la Gironde de Blaye à Lamarque dans Le Médoc pour gagner Bordeaux. Cet estuaire est le plus grand en Europe, mais il n’y avait pas de navires ! A Bordeaux j’ai remarqué les bâtiments de la grande ville du dix-huitième siècle comme le Grand Théâtre; mais aussi la ville rénovée d’une manière magnifique depuis la Deuxième Guerre Mondiale. Le tribunal de Richard Rogers est un exemple impressionnant de son architecture moderne. On voit les cours comme des ruches et la douve en face.

Il m’a fallu six jours et demi pour traverser les Landes de Bordeaux à Dax par le Chemin de Compostelle et je suis allé tout droit !! Mais les Landes ne consistent pas seulement en rangs de sapins. Il y a des champs énormes arrosés par l’eau pompée de l’ancien marais à deux mètres de profondeur. Dans des petites clairières on trouve les fermes landais en colombage, à part les enclos pleins de canards ! En deux mille neuf un cyclone a détruit presque la moitié des arbres dans un couloir à travers les Landes. Maintenant l’économie de la région est en crise parce que les propriétaires, surtout les petits, n’ont pas les fonds pour en planter de nouveaux.

Après Dax j’ai vu les Pyrénées que j’ai quittées six mille kilomètres avant. Je suis arrivé dans le Béarn et le Pays Basque. J’ai remarqué tous les symboles Basquais - la croix basque; le drapeau; le béret noir et les maisons peintes avec le sang des taureaux, pas vraiment mais la couleur de celui-ci. Et enfin la grotte de Bernadette à Lourdes.

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Pourquoi j’ai fait cette randonnée

Les gens du troisième âge, pourquoi cherchent-ils de telles aventures ? Ma femme m’a encouragé - « Je t’ai épousé, mais pas pour préparer le déjeuner tous les jours ! »

Robert Louis Stevenson est un des mes héros. Ma passion pour la randonnée en France a commencé en 1995 quand j’ai complété le Chemin Stevenson, qu’il a décrit dans son livre Voyages avec mon âne dans les Cévennes. J’en ai répété un tronçon en faisant mon tour de France. Il a crée l’idée d’un aventure fantasque à pied qu’aiment les habitants des grandes villes de nos jours. Le Chemin Stevenson a été balisé comme Grande Randonnée en 1978 et maintenant 10,000 randonneurs le suivent chaque année, souvent accompagnés par des ânes. Pour la plupart ils sont de gens de soixante ans et ils viennent de partout en Europe. Au sommet de la Montagne de Bouguès, quatorze randonneurs allemands avec cinq ânes ont perturbé mon sommeil après un pique-nique.

J’ai voulu rencontrer les Français à l’improviste et leur parler. C’a été le grand succès de mon voyage. J’ai passé au moins trois cents jours en France dans toutes les régions et les Français que j’ai trouvés sur le chemin étaient de toutes les couches de la société. Je préfère les gîtes d’étapes, refuges et les chambres d’hôtes où on peut dîner avec les autres randonneurs et causer longtemps pendant la soirée. Je me suis fait beaucoup d’amis français que j’ai visités depuis ma randonnée.

J’ai voulu subir une épreuve physique et mentale. Pendant trois cents jours, marchant en France, j’ai couvert six mille kilomètres et j’ai monté plus de trente mille mètres. Épreuve mentale d’être seul pendant de longues journées. Pour être randonneur tout seul il vous faut une routine.

  • On remplit le sac à dos le matin,
  • prendre le petit-déjeuner,
  • acheter un casse-croûte,
  • marcher environ six heures,
  • ouvrir le sac le soir,
  • laver les vêtements,
  • manger un bon repas avec un ou deux verres de vin.

La vie consiste en choses essentielles. On porte la moindre quantité de possessions possible, on mange et on dort, on laisse les difficultés de la vie moderne ailleurs. Il n’y a aucun doute ; la randonnée, c’est bonne pour la santé mentale. Des recherches récentes l’ont confirmé.

Il y a deux autres avantages de marcher tout seul.

  • Je vois mieux toutes les choses qui m’entourent quand je suis seul.
  • Je suis libre de créer des relations avec les autres. Par exemple, dans quelques chambres d’hôtes, les propriétaires m’ont invité à dîner avec eux parce que j’étais seul.

Il y a des inconvénients dans la randonnée, bien sûr. A part les chiens de garde, les ronfleurs, la pluie, la chaleur, le froid, les mouches qui vous piquent et les sentiers sur la carte qui n’existent plus, de temps en temps on souffre d’ampoules, de muscles fatigués, d’un manque d’eau ou de calories et d’un sac à dos trop lourd. On porte toujours des choses dont on n’a pas besoin. Plusieurs fois je me suis rendu à la poste pour renvoyer quelques vêtements chez moi.

En marchant autour de la France j’ai espéré trouver un peu de paix pour réflechir. Ma randonnée est devenue dans un sens un pèlerinage personnel.

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Quelques « caractères »

J’ai rencontré des gens qui ont eu la même idée ; des pèlerins sur les chemins de St. Jacques. À la fin de ma randonnée, du sud de la Loire jusqu'à Lourdes, j’ai emprunté quelques-uns des chemins de Compostelle. Le pèlerinage jusqu'à Saint-Jacques de Compostelle : c’est un projet que beaucoup de gens entreprennent, surtout des gens du troisième âge mais aussi les jeunes.

Les pèlerins que j’ai rencontrés m’ont donné beaucoup de raisons pour faire le voyage à Compostelle

  • quelques-uns le faisaient pour des raisons spirituelles. Ils étaient pratiquants – supporter les difficultés et les hasards du chemin, c’était un moyen de s’approcher à Dieu.
  • Quelques-uns ont subi un grand changement dans leur vie ; ils ont peut-être perdu leur emploi. Ils voulaient un peu de paix pour considérer ce qu’ils allaient faire dans l’avenir.
  • Des autres ont éprouvé une crise mentale ; ils avaient l’esprit troublé ; ils cherchaient quelque chose mais ils ne savaient pas quoi.
  • Enfin pour beaucoup de pèlerins c’était un voyage culturel à travers des paysages souvent très jolis où on pouvait visiter des sites historiques et partager d’une façon la vie des gens du Moyen Age.

Comment parler aux autres pèlerins
Un des pèlerins que j’ai rencontré s’appelait Eric de Domfront dans l’Orne. Il a décidé de prendre deux mois de congé entre deux boulots et de marcher de sons pays natal jusqu'à Saint Jacques. Il m’a dit :

« Je ne pense pas que nous devons demander à d’autres pèlerins ce que nous faisons comme métier chez nous. Nous devons accepter les gens comme ils sont et bannir des préjugés fondés sur l’occupation, la race ou la classe sociale de chacun. Je veux éviter le stress du travail. J’aime à rencontrer des gens d’une façon imprévue. Ainsi on peut apprendre à choisir les mots avec soin et de ne pas juger les gens. Chaque jour est une aventure. »

Je suis d’accord avec Eric – c’est toujours une aventure de rencontrer des gens en dehors du cercle d’amis qu’on voit toutes les semaines. Ainsi je veux partager avec vous quelques « caractères » curieux qui ont croisé mon chemin.

À commencer par Bruno
Mon premier « caractère » est Bruno-ingénieur France Telecom avec qui j’ai marché pour quelques kilomètres au sud de Mirambeau, Charente. Il n’avait aucun intérêt pour églises et autres sites. Il voulait marcher très vite-35 km par jour. Il n’aimait pas bavarder-pas pratiquant, mais il m’a dit qu’il cherchait quelque chose de spirituel. J’ai été fort surpris quand il traînait son sac à dos sans le hausser sur ses épaules. Il m’a dit qu’il avait une épaule blessée. Il a fait un petit chariot avec trois roues de chaque côté pour rouler au dessus des rochers et des pierres ! Il a attaché le chariot à une ceinture autour de sa taille. Tout cet appareil me semblait très gênant. Il avait un problème si les herbes étaient trop longues ; elles s’enlaçaient autour des roues. À cause de ça il marchait seulement sur les routes !

Un Français polonais et des salutations
Quand j’ai gagné les environs de Bordeaux beaucoup de gens m’ont salué sur la route. Ils ont sauté de leurs voitures pour me dire bon courage. Les camions ont klaxonné. On m’offrait de l’hébergement gratuit et des vivres dans les magasins.

Prés de  Margaux un homme très grand m’a arrêté et m’a serré la main pendant que sa femme m’a offert une bouteille de vin. Je lui ai dit merci mais que je ne parviendrais pas à Bordeaux après avoir bu une bouteille de vin rosé ! Puis il a fourré dans sa poche et m’a donné 8 euros. J’ai dit que c’était très gentil mais je ne pouvais pas les accepter. Il a insisté d’une voix ferme ! Il était de Pologne et sa femme était une Belge. Puis il m’a invité à déjeuner. Je l’ai prié de m’excuser mais j’avais encore 20 kilomètres à marcher à Bordeaux. Puis il a dit qu’il allait me conduire à la ville en auto. Je lui ai répondu que je devais marcher partout !

Eric et Esther
J’ai parlé déjà d’Eric. Il a trouvé une amie, une grande fille espagnole costaude qui s’appelait Esther et qui portait des tatouages sur ses jambes et ses pieds. Elle savait seulement quelques mots de français, qu’elle mélangeait librement avec les mots de sa langue maternelle et elle commençait chaque phrase avec un « OK ! » et un grand geste avec ses bras.  “Quand je parviendrai à Cap Finistère,” a-t-elle dit, “Je jetterai mon sac à dos dans la mer avec tous les déchets de mon existence et je recommencerai ma vie de nouveau.” Esther était végétarienne et n’aimait pas manger les produits laitiers qui, disait-elle, produit la mucosité. Elle disait aussi que la viande empoisonnait le sang. Elle ne voulait pas des toxines dans son corps.  Elle avait un petit sac mais il pesait beaucoup parce qu’elle portait là-dedans de la nourriture « bonne pour la santé » - un litre de l’huile d’olive, une laitue, quelques tomates, un avocat, des champignons, des chick peas, du quinoa et bien sûr du pain. Peut-être qu’Eric mourrait à cause d’une manque de viande. Esther l’a persuadé de manger des sandwichs de salade, bien que nous ayons remarqué qu’il glissait en cachette un peu de saucisson dans son repas. Elle souffrait de beaucoup d’ampoules dont quelques-unes saignaient. Nous étions sûrs qu’Esther était la partenaire dominante. Nous avons pensé qu’Eric devrait être plus ferme s’il voulait arriver à Compostelle à temps.

Des Champenois
On nous a fait un accueil chaleureux au Relais Jacquet, à Navarrenx dans le Béarn. Quatre hommes, amis faisant le pèlerinage ensemble, ont bavardé beaucoup pendant le dîner. Ils étaient des Champenois et tous professionnels dans la fabrication de la champagne. Un cultivait les raisins, un autre les achetait pour les maisons des grandes marques, un autre imprimait les étiquettes pour les bouteilles et le quatrième vendait le champagne aux clients en France. Nous avons tous ri à cause de la difficulté de dormir dans les refuges à côté des gens qui ronflaient. Le vigneron a dit “ mon copain est un gaillard sympathique mais son ronflement est comme les moteurs du Titanic avant le naufrage. Je lui jette mon sac à dos à la tète pour qu’il cesse de faire un bruit mais il continue de ronfler comme une bête sauvage !"  À leur départ ils ont fait un bruit formidable ensemble en jouant de sifflets et d’une trompette dans la rue.

Un peu illuminé
Peu après j’ai rencontré un pèlerin étrange. Il a hurlé d’une voix forte “Je suis perdu! Italia! Italia!” Je ne pouvais pas m’expliquer sa confusion parce que nous n’étions pas loin d’un village sur le chemin de Compostelle bien balisé. Il avait l’air un peu égaré et ses yeux rayonnaient une lueur mystérieuse comme s’il n’appartenait pas à ce monde. Il portait un grand bâton avec une améthyste et une boule de cristal en haut et une grande croix d’or pendait autour de son cou. “Je vais à Fatima en Portugal et puis à Compostelle,” a-t-il dit. Le soir dans notre chambre d’hôte Annie nous a remarqué « On rencontre beaucoup de gens comme ça sur le chemin – un peu illuminé ! » Elle voulait dire ironiquement qu’ils étaient entourés de la lumière céleste.

Un jeune homme rêveur sur un cheval
A dix heures ce soir un autre pèlerin hors du commun est arrivé. C’était un jeune homme rêveur trainant un cheval et il apparaissait comme le portrait d’un poète romantique. Il était de la Camargue and il ne croyait pas difficile de trouver du foin pour sa bête et quelque part où il pouvait dormir. Il n’avait pas d’argent pour payer une écurie. Les yeux du cheval nous fixaient sans expression et il nous semblait épuisé de soif et de faim. Le fermier Joseph nous a dit “Aucun des fermiers aux alentours n’a de foin et les bêtes ont mangé l’herbe aux champs. J’ai un peu de maïs que je donne aux poulets mais pas assez pour un cheval. » En face de la maison était une prairie qui plongeait en bas. “Vous pouvez laisser votre cheval là,” a-t-il dit au jeune homme, “et vous pouvez dormir sur la véranda du chalet.” Annie se demandait ce qu’il ferait dans les montagnes si le cheval perdait un fer. Mais peut-être le jeune avait raison. Il ne faut pas s’inquiéter à cause des problèmes de demain.

Christophe

Dans les montagnes j’ai rencontré d’autres gens qui voulaient trouver la paix dans l’âme, loin de la vie moderne. Ils géraient des refuges et préféraient vivre de leurs propres ressources. Un exemple est Christophe, le propriétaire d’un gîte dans le Languedoc au fond d’une forêt d’hêtres ; un excentrique qui vivait tout seul avec ses chiens et vingt-huit chats. Il s’est arrêté près d’un vieux tonneau sur la terre où se trouvait un poulet.
 “C’est mon favori,” dit-il
Puis il m’a présenté à son coq Albert. Il avait travaillé à Paris dans “le showbiz” pendant vingt-cinq ans. Je pouvais l’imaginer dans une boîte de nuit pleine de fumée. Christophe a dit qu’il était content.
“Je suis libre d’esprit. On a la nature.”

Un Breton et une Allemande dans l’Ariège
La Ferme de Soulan est une gîte d’étape équestre qui appartient à un Breton et une Allemande. Il a l’air d’un abri occupé pas des hippies. Si vous préférez un environnement antiseptique vous ne devez pas rester ici. L’odeur du crottin de cheval remplit toutes les chambres. Renate enseigne la danse à la ferme et à Toulouse. Le web site vous invite à danser avec les chevaux, la terre, le vent et le soleil au théâtre des montagnes. Jakez est arrivé de la Bretagne pendant la décennie soixante-dix.  Il est un représentant du mouvement qui encourageait un retour à la nature après soixante-huit. Jakez voulait prendre soin des plantes, des animaux et des oiseaux. Le chaos régnait dans cette maison et Renate et Jakez étaient tout à fait épuisés. Cependant nous avons dîné à la lumière des chandelles en regardant les étoiles et les sommets des montagnes couverts de neige. Ainsi j’ai compris pourquoi ils avaient choisi cette vallée comme lieu de repos.

Un ermite sur la Montagne de Lure en Provence
Monique, Olivier et leur fille Élodie occupaient une ferme perdue sur la Montagne de Lure. Ils étaient très heureux d’habiter un paysage paisible en pleine nature. Ils gardaient des chèvres et deux chiens de chasse qui ont voulu jouer avec moi. Des drapeaux de prière tibétains décoraient l’entrée avec des pièces de bois qui autrefois flottaient dans la mer. Le matin Monique m’a demandé de traverser la montagne et de porter à leur ami ermite une lettre proposant de l’aide. Je ne savais point de quel service il s’agissait.  Pourtant je n’ai pas pu refuser un tel projet.

Le sanctuaire de Notre Dame de Lure se trouvait dans une clairière ombrageuse à côté d’une source sacrée. De l’autre côté de la clairière quelques chaumières étaient proches d’un potager. J’ai frappé à l’une des portes afin de rencontrer Monsieur Lucien. Il avait l’air d’un ermite,avec ses cheveux désordonnés et sa barbe qui tombait jusqu'à ses genoux. J’ai essayé d’engager la conversation mais il a refusé de parler. J’ai continué mais il m’a congédié d’un geste impatient. J’ai été obligé de lui donner la lettre et de partir. Quelle déception ! J’avais marché plusieurs kilomètres dans l’espoir d’une rencontre intéressante et n’avais rien appris. Puis tout d’un coup un autre visiteur s’est approché et m’a dit-

« Tout le monde connait M. Lucien, » dit-il. « Il n’est pas religieux. Il veut simplement vivre tranquillement au milieu du monde naturel. Le conseil municipal l’a laissé dans sa chaumière comme gardien. Il a un caractère difficile. Il essaie de chasser les visiteurs hors du site. Le conseil commence à s’impatienter contre lui.»

Un esprit libre contre la manipulation
Au sommet du Grand Colombier dans le Jura je regardais la Savoie à l’est et la France à l’ouest. Pendant que le soleil disparaissait à l’horizon j’ai trouvé mon hébergement sur un plateau qui surplombait la vallée du Rhône.

Marc le gardien était très aimable et un peu naïf. Un esprit libre il avait rejeté la société contemporaine et a décidé de chercher une vie nouvelle dans les montagnes. Quelquefois ses idées étaient un peu confuses mais il s’exprimait avec conviction.

Marc soupçonnait toutes les hommes au pouvoir : la classe gouvernante, les chaines de télévision appartenant à l’état, la police et les grandes sociétés. Ils étaient coupables de la manipulation dans leurs propres intérêts. La manipulation était son mot favori et souvent répété.

Le berger de Planavel
J’ai recommencé ma randonnée et plus loin j’ai trouvé cette proclamation des esprits libres qui vivent dans les montagnes.

Accueil à la ferme de Planavel
Accueil privé non commercial
Bienvenue à qui veut
Espace de rencontre non conventionnel
Lieu d’expérimentation de « vie autrement »
basée sur l’Amour de l’Esprit de Vérité

Hébergement
Genre refuge
Possibilité chambres individuelles ou dortoir dans le foin
Centre d’intérêts
Échange de pensées
Dire et vivre autrement à la montagne
Autonomie en chauffage, électricité, eau et presque en nourriture
Expo « La vie selon l’Esprit Système ou selon  l’Esprit de Vérité ».
À Planavel un séjour ne se monnaye pas
avec ce qui sorte du porte-monnaie
mais avec ce qui vient du cœur.
Il n’est pas gratuit, il est simplement au prix de votre
amitié

Gérard le berger de Planavel

Entrée et sortie libre

Près de la ferme je me suis trouvé face à deux couples français et nous avons décidé de voir si nous serions accueillis selon les principes de la proclamation. Gérard est apparu mais il ne portait pas de sarrau. Grand, sérieux, ascétique avec une barbe, les pieds nus et jambes bronzées au dessous de ses culottes, il a hésité à commencer une conversation. Les Français était aussi incertains que moi de ce que Gérard pensait faire pour accueillir les visiteurs. Ils ont dit qu’ils connaissaient quelques gens qui poursuivaient une vie différente à la montagne.  Nous avons discuté pour savoir si Gérard était un vrai berger ou un intellectuel et ont choisi la deuxième option. Il apparaissait comme un homme de l’âge des soixante-huitards qui voulaient s’enfuir de la vie bourgeoise.

Les néo-ruraux
Je vous ai donné quelques exemples des gens qui ont voulu trouver une façon de vie plus simple. C’est un phénomène qui a commencé après la deuxième guerre mondiale et a été renforcé pendant les années soixante-dix : les révoltés de soixante-huit qui ont quitté Paris. Des communes de néo-ruraux ont apparu dans les régions les plus dépeuplées du Midi. Quelques-uns ont fait des manifestations contre les grands projets industriels ou militaires dans la campagne du sud ; des gens de tendance écolo. C’est le commencement d’un retour à la terre de la France, un siècle après que la population a quitté les campagnes.

Residences secondaires et l’exode à la campagne
Deux autres vagues marquent le retour à la terre des classes moyennes en France :

  • les résidences secondaires
  • et les nouvelles résidences permanentes autour des villes mais hors des villes.

En mille neuf cent quatre-vingt dix-neuf, pour la première fois dans l’histoire de la France moderne, plus de gens ont quitté les grandes villes pour la campagne que l’inverse. J’ai traversé beaucoup de villages avec plus de maisons secondaires que permanentes. J’ai vu l’agrandissement des banlieues campagnardes prés de Valenciennes au Nord, autour du Havre, Nantes et Rennes.

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Les régions françaises

Pourquoi un tour de France en longeant les frontières et les mers ?
J’ai voulu traverser des régions avec des traditions différentes, comme l’Alsace et la Bretagne par exemple, régions qui ont été les dernières à être attachées à la France-le comté de Nice (1860), la Savoie(1860), le pays de Montbéliard(1792), la Franche-Comté (1678), la Lorraine(1765).  Un sujet qui me préoccupe est le sentiment d’appartenance régionale des français au vingt-et-unième siècle. On se dit Breton, Savoyard ou Béarnais parfois. On voit des symboles-la croix et le drapeau Basque, le drapeau Savoyard ; le drapeau Breton. Je me demande ce que tout ça veut dire en réalité.

Le sentiment régional
Pour le randonneur cette particularité régionale apparaît dans

  • les formes de l’architecture, laïque et religieuse.
  • On mange aussi les plats régionaux.
  • Dans quelques régions on parle encore les langues différentes que j’ai écoutées parfois – Alsacien en Alsace, le Breton à l’ouest de Saint Brieuc, l’Occitan du sud-est, Le Provençal au Sud, le Basque au Pays Basque. Le nombre de gens qui les parlent comme première langue tous les jours diminue mais il est encore possible de les apprendre dans les écoles publiques si assez de parents le veulent. Il y a dans les accents et l‘usage du Français régional les restes des milliers de patois qui ont été parlés partout au dix-neuvième siècle.
  • On rencontre aussi des coutumes régionales.
  • Dans quelques régions il y a des traditions politiques et réligieux différentes.
  • Quelques régions près des frontières et loin de Paris témoignent de l’influence d’un autre pays. Il y a une ressemblance entre le Jura suisse et le Jura français, L’Alsace et Baden-Württemberg, le Pays Basque français et le Pays Basque espagnol.

Dans un gîte d’étape dans le Jura j’ai rencontré un Parisien avec qui j’ai parlé longtemps des régions de la France. 

 « Les Jurassiens ont une réputation de n’être pas accueillants.  Ils sont attachés à la terre. Leur monde est très serré. Quelques gens dans les vallées des Alpes ont le même caractère. »

Nous avons discuté pour savoir si les Français sont vraiment attachés à leur région natale. Il a dit que quelques personnes ont ce sentiment et désirent vivre dans leur pays. D’autres ont déménagé  à Paris ou une autre grande ville parce qu’ils étaient ambitieux et voulaient améliorer leur statut professionnel. C’était un choix personnel. 

Je lui ai parlé des affiches Savoie Libre que j’ai vues.

« Ces enfants des années soixante-dix sont un peu bêtes, » dit-il. « Je ne peux pas considérer La Savoie Libre, la Corse Libre ou La Bretagne Libre comme des programmes politiques sérieuses. Néanmoins la vie dans les provinces continue de faire des progrès. Rennes, par exemple, est une grande ville où la population grandit très vite et la vie culturelle a ses atouts. Avant la guerre la Bretagne était sous-développée. Maintenant la croissance de quelques industries et la belle campagne attirent les jeunes gens avec leurs familles. Toulouse est un autre exemple d’un centre régional qui prospère. »

Comme sommaire je voudrais diviser les régions que j’ai visitées dans trois catégories :-

  • Régions qui ont  encore une identité distincte- Alsace et Bretagne
  • Régions qui retiennent un caractère parce qu’ils sont proches des frontières – Lorraine, Jura et le Jura Suisse, Flandres, Pays Basque
  • Régions avec quelques vestiges du passé comme une langue régionale-Languedoc, Provence

et partout un patrimoine régional qui se manifeste dans l’histoire, l’architecture, la nourriture et quelques coutumes sociales.

Conclusion
J’ai goûté la liberté de marcher exactement où je voulais sans difficultés, sans barrières. Pensez à eux qui ne peuvent pas se promener-les handicapés et les habitants des pays où c’est impossible, comme un Palestinien que j’ai rencontré récemment. Il aime à randonner sur les collines de son pays natal mais ca devient de plus en plus difficile chaque jour. »

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